La permaentreprise : l’entreprise de demain ?

La genèse

Dans les années 1970, alors que l’agriculture intensive fait rage et que la nature s’épuise, deux australiens, David Halmgren et Bill Mollison, élaborent le concept de « permaculture ». Derrière ce mot-valise une idée simple, celle de l’agriculture raisonnée. Produire selon nos besoins, en respectant les cycles naturels, sans sur-solliciter les sols. La permaculture, ou l’art de concevoir des écosystèmes régénératifs en s’inspirant du fonctionnement du vivant.

Pour Halmgren et Mollison, la permaculture repose sur 3 principes fondateurs :

  • Prendre soin des humains
  • Prendre soin de la terre
  • Partager équitablement les ressources

Petit à petit, l’idée fait son chemin et s’invite dans les potagers des particuliers mais aussi dans les petites exploitations d’agriculteurs déjà sensibilisés au bio et à l’agroécologie. Malheureusement encore trop largement minoritaire, la permaculture peine à se faire une place dans une économie dominée par la course au profit.

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©Etienne Appert – Illustration issue de l’ouvrage La permaentreprise de Sylvain Breuzard

La prise de conscience

2020. Alors que les écarts et les inégalités se creusent, que le réchauffement climatique s’impose dans une quasi-indifférence, une invitée surprise pointe le bout de son nez : la pandémie de Covid-19. Comme un signal d’alarme supplémentaire pour nous indiquer que nous avons trop tiré sur la corde, que notre système actuel n’est pas (plus) viable. Pendant de longues semaines, la planète se confine et marche au ralenti.

Il n’en fallait pas plus à Sylvain Breuzard, PDG de Norsys et président du CA de Greenpeace France, pour mettre noir sur blanc le concept qu’il teste depuis près d’un an dans sa propre société : la permaentreprise.

Pour S. Breuzard, la RSE telle qu’elle existe aujourd’hui est nettement insuffisante, elle est bien souvent trop globale, trop éloignée de l’entreprise en dépit d’actions encourageantes. Parfois elle n’est même que façade, de belles paroles pour se donner bonne conscience, on parle alors de greenwashing. Les entreprises ont pourtant un rôle déterminant à jouer dans la transformation de nos modèles économiques et sociétaux.

La loi Pacte de 2019 propose d’aller plus loin en inscrivant une raison d’être dans ses statuts et devenir une société à mission avec des engagements précisés eux aussi dans les statuts via des objectifs sociaux et environnementaux. Là aussi, l’absence d’exigence particulière et d’indicateurs sur ces objectifs et leurs niveaux d’engagement rend l’initiative insuffisante.

Au-delà de la société à mission se trouve la permaentreprise.

Un nouveau modèle : la permaentreprise

Directement inspirée de la permaculture, la permaentreprise repose sur les trois mêmes principes fondateurs :

  • Prendre soin des humains : les salariés de l’entreprise mais aussi les autres parties prenantes. Ce principe s’applique même à la société civile du fait de l’appartenance d’une entreprise à un territoire.
  • Préserver la planète
  • Se fixer des limites et redistribuer les surplus : il est donc nécessaire d’avoir une posture claire sur la finalité financière de l’entreprise. La permaentreprise vise un usage juste et sobre de ses ressources.

« La finalité n’est pas la maximisation des profits mais l’amélioration des conditions de vie des humains sur la planète »

– Sylvain Breuzard

Ainsi, le fondateur de la permaentreprise la décrit donc comme une entreprise qui :

  • S’appuie sur ces 3 principes éthiques indissociables pour établir sa raison d’être et son modèle de développement
  • A un usage sobre et régénératif des ressources, qu’elles soient humaines, financières, de matières premières ou de l’énergie
  • Se fixe, en toute transparence, 23 objectifs d’impacts exigeants qui lui permettent de mesurer sa progression et son engagement
  • Est capable d’agencer ses parties prenantes pour chaque projet. La permaentreprise est une dynamique collective, il ne s’agit pas simplement d’agir mais d’agir avec l’ensemble des parties prenantes.

Il sera bien évidemment plus simple pour une jeune entreprise de se transformer pour répondre à ces critères. Une société bien établie devra quant à elle probablement redéfinir son modèle en profondeur. Pour permettre aux structures d’évoluer à leur rythme, 3 niveaux d’engagement ont donc été définis : en initiation, en devenir et permaentreprise établie.

Le chemin se compose de 5 étapes clés :

  1. Comprendre et partager l’ambition du modèle permaentreprise
  2. Élaborer la raison d’être en intégrant le respect des 3 principes éthiques
  3. Poser les enjeux
  4. Définir pour chaque enjeu les projets, les actions et leurs objectifs d’impact
  5. Faire un premier bilan de sa démarche

Pourquoi devenir permaentreprise ?

Depuis la pandémie, 63% des français* se disent plus attentifs aux engagements des entreprises et 71%* affirment être davantage fidèles aux marques dont ils épousent les valeurs telles la solidarité, l’ouverture d’esprit ou la protection de l’environnement. Face à de tels constats, une société s’engageant dans une démarche de permaentreprise saura attirer et fidéliser aussi bien les clients que les talents.

Mais devenir permaentreprise c’est aussi se positionner dans une démarche constante d’innovation et ainsi s’adapter et se distinguer sur le marché.

Enfin, il s’agit également d’anticiper sur les futures lois et réglementations (la Taxonomie verte par exemple, ou encore la CSRD) mais aussi sur les attentes du grand public.

Et aujourd’hui ?

Officiellement lancée en 2021, la permaentreprise se fait peu à peu un nom. Au-delà de la méthode qui a elle-même fait l’objet d’un livre,  Sylvain Breuzard propose aussi une formation ainsi qu’un « manifeste pour un changement de modèle avec la permaentreprise » permettant aux signataires de faire part de leur désir d’évolution vers ce modèle.

Aujourd’hui, ce manifeste a recueilli 244 signatures. La France compte 6 permaentreprises établies, 4 en chemin et 120 ayant expérimenté le modèle.  Les balbutiements d’une révolution ?

*Source : sondage OpinionWay pour Salesforce et Les Echos en juin 2021

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